Ce mot permet de désigner un type de représentation picturale ayant pour caractéristique première la dislocation du sujet. Nous n'évoquons en aucun cas l'abstraction, bien au contraire, ce type d’œuvre a pour entreprise l'expression ou la création d'une entité réelle. Cependant, plutôt que de saisir les apparences en des lieux ou des instants particuliers, nous la re-produisons en abolissant les repères géographiques, temporels ou même figuratifs de l'objet. Nous obtenons ainsi un état intermédiaire et dynamique à la limite de la dissolution de l'objet dans le chaos ou l'abstraction. Je comparerais cet état à la phase de transformation de l'eau glace (le concret) en eau liquide (l’abstraction), moment dynamique, quasi insaisissable, de passage d'une forme à une autre, d'un même élément.
Ce type de production permet d'échapper à la vision analytique que nous avons du sujet en annulant les repères temporospatiaux et représentatifs habituels. L'objet ne peut être ainsi perçu comme présent que d'une façon globale. La tentative de perception par un balayage parcellaire n'apporterait qu'une suite de représentations abstraites et dis harmonieuses.
La déstructuration nous donne donc une représentation à la limite de l'insaisissable mais qui semble si proche de la vie.
POUR DEVELOPPER LE CONCEPT DE DESTRUCTURATION
Ce type d’œuvre étonne par l'impression de dispersion, d'anarchie que l'on perçoit dans l'organisation de ses différents éléments. Nous pouvons parler de chaos apparent cependant ce désordre me semble emprunt paradoxalement d'un sens intense et profond.
Les scientifiques nous ont déjà appris que chaos ne rime pas uniquement avec absence de sens. Ainsi, dans la physique des particules ou encore en cosmologie une apparente anarchie peut être à la source de concepts hautement élaborés. Nous remarquons également en l'homme ce puissant paradoxe. Nos pensées, nos sentiments, nos sensations ne sont pas localisés en un point précis de notre cortex. Ils sont le fruit de l'interaction diffuse des différentes aires cérébrales. Ainsi, à un instant donné, l'évocation d'un souvenir provoquera l'activation des aires visuelles, auditives, olfactive... mais aussi d'émotions. Nos cellules nerveuses agiront en différents lieux de notre boite crânienne pour aboutir à un phénomène psychique unique.
Dans ces deux exemples, on perçoit avec évidence que dans le monde des perceptions, un objet peut être à la fois dispersé dans l'espace et le temps, et avoir dans sa globalité un sens unique, ce qui fait évoquer la notion de singularité.
Pour en revenir à l’œuvre dite déstructurée, celle-ci permet au spectateur une intégration personnelle et dynamique de son contenu. Ce contenu, apparaissant anarchique à la perception analytique, ressortira plus vivant dans son expression globale, évitant l'écueil d'une vision découpant l'œuvre, éléments intelligibles par éléments intelligibles.
DESTRUCTURATION ET RECONSTRUCTION
Le procédé de déstructuration n'est pas un travail de dissection simple de la réalité, voir pire de destruction. Celui-ci débute effectivement par un morcellement, une désarticulation cependant à ce mécanisme réducteur succède un phénomène actif qui permet de reconstruire le sujet dans un espace pictural régi par des lois ne répondant pas aux normes sensorielles et aux schémas d'intégration et d'interprétation habituels.
Ce procédé tente ainsi de dépasser la réalité optique et d'atteindre une véritable sublimation du sujet et de l’œuvre. Il permet également par la liberté de ses propriétés, l'expression picturale de phénomènes par essence non visuels tels que les rythmes sonores ou encore les émotions. Cependant, il ne faudra pas confondre ces extensions avec l'abstraction, en effet même si ces représentations n'ont pas leur correspondance dans la nature, elles expriment une réalité bien concrète.